Commentaires concernant l’Accord d’Été en matière d’impôt des sociétés : partie III

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Nous abordons en quatre parties l’Accord d’Été qui a été conclu sur le plan de l’impôt des sociétés. Dans l’intervalle, la législation en question a été votée dans la Chambre et publiée sous la forme de la Loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l’impôt des sociétés, publiée au Moniteur belge du 29 décembre 2017.

Antérieurement, nous avons déjà abordé l’une des mesures les plus débattues, à savoir le régime fiscal adapté des diminutions de capital

Dans la partie I du commentaire concernant l’Accord d’Été en matière d’impôt des sociétés, nous avons abordé (1) l’abaissement du taux de l’impôt des sociétés, (2) l’imposition des plus-values sur actions, (3) la réforme de la déduction des intérêts notionnels, (4) le taux temporairement majoré à 20% de la déduction pour investissement unique ordinaire pour PME et (5) la majoration de la déduction RDT de 95% à 100% .

Dans la partie II du commentaire concernant l’Accord d’Été en matière d’impôt des sociétés, nous avons abordé (1) l’imposition distincte de 5,10 % du déficit des rémunérations des chefs d’entreprise, (2) la non-déductibilité des coûts payés d’avance, (3) la taxation de certaines provisions pour risques et charges, (4) la limitation de certaines déductions fiscales transférés et (5) l’importance grandissante du ‘tax compliance’.

Dans la partie qui suit maintenant, nous approfondirons les autres mesures qui seront d’application à partir de l’exercice d’imposition 2019 en ce qui concerne les exercices comptables qui débuteront à partir du 1er janvier 2018. Nous aborderons également les mesures pouvant être d’application à partir du 1er  janvier 2019. 

1. Autres mesures qui seront d’application à partir de l’exercice d’imposition 2019 (lié aux exercices comptables qui débuteront à partir du 1er janvier 2018)

En plus des mesures déjà abordées, il existe diverses autres mesures - moins drastiques - qui seront en principe d’application à partir de l’exercice d’imposition 2019. 

Les entreprises qui emploient des chercheurs qui sont titulaires d’un certain diplôme peuvent bénéficier d’une dispense partielle de versement du précompte professionnel sur les salaires de ces chercheurs. Il s’agit d’une extension des diplômes entrant en ligne de compte pour cette mesure. Désormais, certaines licences de baccalauréat (professionnelles et académiques) entreront également en ligne de compte. Dans une première phase, la mesure prévoit une dispense de 40% pour les chercheurs titulaires de tels diplômes. À compter de 2020, ce pourcentage passera à 80%. 

La déduction transférée pour innovations et la déduction RDT transférée sont exclues en cas d’acquisition ou de changement de contrôle qui ne répondrait pas à des besoins financiers ou économiques fondés. La documentation économique d’une opération de rachat gagnera ainsi en importance.

Nous remarquons aussi que la majoration de la déduction pour investissement unique ordinaire à 20% pour les PME sera finalement d’application pour tout investissement en actifs immobilisés entrant en ligne de compte et intervenant entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2019, quel que soit l’exercice d’imposition auquel est liée la période imposable.

Nous précisons finalement encore qu’un projet de loi à venir prévoirait la suppression de la fairness tax sur les paiements des dividendes par les grandes sociétés à partir de 2018. Si possible, nous vous conseillons donc de reporter provisoirement les paiements de dividendes qui pourraient être soumis à la fairness tax jusqu’à ce que toute la clarté soit faite dans ce dossier. 

2. Mesures qui sont d’application à partir de l’exercice d’imposition 2020 (lié à une période imposable qui débute au plus tôt le 1er janvier 2019)

2.1 Consolidation fiscale : déduction des transferts intra- groupe 

En résumé

L’exercice comptable 2019 (exercice d’imposition 2020) qui débutera au plus tôt le 1er janvier 2019 verra l’introduction d’une forme limitée de consolidation fiscale. En résumé, cette consolidation fiscale implique que le législateur offre la possibilité à une entité déficitaire d’un groupe belge, sous certaines conditions bien définies, de déplacer la perte de l’exercice comptable concerné vers une autre entité (bénéficiaire) du groupe belge.

Cette transaction s’opère en définissant un transfert intra-groupe qui serait au maximum égal à la perte fiscale annuelle, en la déduisant du résultat de la société bénéficiaire et en ajoutant ce même transfert intra-groupe au résultat imposable de la société déficitaire. Tant les sociétés belges que les établissements stables belges entrent en ligne de compte pour la déduction des transferts intra-groupes.
Cette consolidation fiscale est un régime optionnel. Les sociétés concernées doivent pouvoir soumettre une convention servant de base au transfert intra- groupe et une déclaration séparée doit être jointe à la déclaration fiscale. 

Nous soulignons que cette consolidation fiscale ne signifie nullement que les sociétés du groupe n’auraient qu’une seule déclaration à introduire pour l’ensemble du groupe. La consolidation fiscale ne débouche pas sur une simplification administrative. Le système peut par contre (sous des conditions relativement strictes) produire un avantage fiscal considérable en évitant qu’au sein d’un même groupe, une société enregistre des pertes, tandis qu’une autre société paie effectivement l’impôt des sociétés. 

Conditions

Sociétés du groupe entrant en ligne de compte 

Toutes les entités d’un groupe n’entrent pas en ligne de compte pour la déduction des transferts intra- groupe. Une première exigence est l’existence d’un certain lien de participation entre les sociétés. Cette exigence peut être remplie de deux façons :

  • soit en instaurant entre les sociétés un lien direct de participation d’au moins 90% dans le capital
  • soit une tierce société (établie dans l’Espace économique européen) doit détenir au moins 90% du capital des sociétés concernées.

Ces conditions doivent être remplies pendant la période imposable et pendant les quatre périodes imposables précédentes. Ce ne sont pas seulement les sociétés belges du groupe qui entrent en ligne de compte, mais aussi les établissements stables belges de sociétés établies dans l’Espace économique européen (‘EEE’). 

Certaines sociétés ne peuvent en aucun cas faire appel à cette possibilité. Sont entre autres exclues : (1) les sociétés qui mettent des biens immobiliers (ou des droits réels concernant de tels biens) à la disposition des chefs d’entreprise ou de leurs époux(ses), et (2) les sociétés qui sont soumis à l’étranger à un régime fiscal qui déroge au droit commun. 

L’exemple ci-dessous peut clarifier les différents éléments(1). Dans l’exemple, les sociétés entre lesquelles une application du régime de déduction de la cotisation de groupe est possible sont placées dans le même cadre rouge. Les sociétés qui pourraient effectuer un transfert intra-groupe sont d’une part Bel Co1 à Bel Co2 (et Bel Co2 à Bel Co1) et d’autre part Bel Co1 à Bel Co6 (et Bel Co6 à Bel Co1).
 
Bel Co1 et Bel Co2 entrent en ligne de compte parce qu’une troisième société établie au sein de l’EEE (NL Co) détient une participation directe de plus de 90% dans le capital des deux sociétés.
Compte tenu du fait que NL Co ne détient qu’une participation de 75% dans Bel Co3, cette société n’entre pas en ligne de compte. 

Bel Co4 et Bel Co5 n’entrent par contre pas en ligne de compte parce que US Co (la société qui détient une participation de plus de 90% dans le capital de Bel Co4 et Bel Co5) n’est pas établie au sein de l’EEE, mais aux États-Unis. 

Bel Co1 et Bel Co6 entrent en ligne de compte parce qu’il existe entre elles un rapport de participation direct de plus de 90%. 

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Seules les pertes de l’exercice comptable entrent en ligne de compte pour un transfert

Seules les pertes de la période imposable entrent en ligne de compte pour la déduction des transferts intra-groupes. D’autres déductions fiscales (comme les pertes fiscales déductibles reportées, la déduction RDT et autres) n’entrent donc pas en ligne de compte.

Le montant des transferts intra-groupe ne peut pas être supérieur à la perte professionnelle que la société déficitaire aurait subie si le régime de transferts intra-groupes n’avait pas été appliqué. Le montant de la cotisation de groupe doit en outre être défini dans une convention de transfert intra-groupe, qui doit être conclue par exercice comptable entre la société déficitaire et la société bénéficiaire. 
(1) Aucune des sociétés dans l’exemple ne dispose d’une installation permanente en Belgique.

Paiement du surplus d’impôts par l’entité bénéficiaire à l’entité déficitaire

Un paiement de l’entité bénéficiaire à l’entité déficitaire doit également intervenir pour pouvoir bénéficier de la déduction des transferts intra-groupe. Cette indemnité doit être égale à ce que la société bénéficiaire aurait payé en plus en impôts si la déduction de la cotisation de groupe n’avait pas eu lieu. D’un point de vue fiscal, il s’agit d’une opération neutre puisque ce paiement constituera pour la société bénéficiaire une dépense non-déductible (futur art. 198, §1, 15°/1 CIR 92) et pour l’entité déficitaire un revenu exonéré (art. 194septies CIR 92). 

Exemple

Une société-mère (la société M) enregistre pendant son exercice comptable une perte de 10.000 euros. La société M détient une participation de 99% dans le capital d’une filiale (la société D). La société D a réalisé un bénéfice de 50.000 euros (sans déduction d’un transfert intra-groupe).

La société D peut envisager au maximum un transfert intra-groupe de 10.000 euros, à savoir la perte professionnelle de la société M, et diminuer ainsi son résultat imposable. D’autre part, la société M devra intégrer ce même transfert intra-groupe à son résultat fiscal, ramenant son résultat fiscal à 0 (aucune possibilité de report de pertes à l’exercice comptable suivant).

La société D devra alors payer effectivement 2.500 euros à la société M (dans l’hypothèse que la société D est soumise au taux de l’impôt des sociétés de 25%). D’un point de vue fiscal, ce paiement est neutralisé par un rejet de la déduction au sein de la société D et une exonération au sein de la société M.

2.2 Controlled Foreign Company ('CFC')

Faisant suite à l’Anti Tax Avoidance Directive (‘ATAD’) européenne, le législateur introduira une mesure qui a pour but d’empêcher la mise en place de constructions artificielles avec des sociétés liées dans des ‘paradis fiscaux’ dans le seul but d’obtenir un avantage fiscal.

La mise en œuvre de cette mesure est relativement complexe. Le législateur tente de réaliser l’objectif susmentionné en ajoutant le bénéfice non payé de certaines sociétés étrangères à la base imposable de l’entité belge s’il s’avère que ce bénéfice étranger provient d’une construction artificielle. 

Nous vous invitons à nous contacter si vous souhaitez obtenir de plus amples informations à ce sujet. 

2.3 2.3. Hybrid mismatches

Dans un contexte international, il peut arriver que différents pays donnent une autre qualification à une transaction ou une entité déterminée. Cette situation peut avoir des conséquences avantageuses sur le plan fiscal. Diverses mesures ont été prises sous les auspices d’un régulateur européen en vue d’éviter ce genre de situations.

3. Mesures qui seront d’application à partir du 1er janvier 2019

3.1 Transferts d’actifs étrangers vers la Belgique : le règlement step-up 

Le risque d’une double imposition existe aujourd’hui lorsque des sociétés belges ou des établissements stables belges acquièrent des actifs d’une installation permanente étrangère. Ce risque existe parce que les différents pays peuvent attribuer une valeur fiscale différente aux mêmes actifs.
 
C’est pour éviter ceci qu’on introduit le règlement step-up. En principe, c’est la valeur des actifs, telle qu’elle a été déterminée par le pays d’origine, qui est prise en compte en tant que valeur de départ à des fins fiscales en Belgique. Cette règle ne s’applique cependant qu’à la condition que le pays d’origine soit un état qui a conclu une convention avec la Belgique en matière d’échanges d’informations. Il est aussi possible de déroger exceptionnellement à cette valeur si l’État belge peut démontrer que la valeur ne correspond pas à la valeur marchande réelle des actifs.   

3.2 Transferts d’actifs d’une société belge vers un établissement stable à l’étranger dans un pays signataire du traité : exit tax et règlement step-up 

La législation fiscale belge prévoit déjà aujourd’hui une exit tax qui serait d’application au moment où une société belge procéderait à un déplacement de son siège ou au cas où des actifs seraient soustraits à une installation belge. 
À partir du 1er janvier 2019, une exit tax sera également appliqué lors d’un transfert d’actifs par une société belge à son établissement stable à l’étranger, établi dans un pays avec lequel la Belgique a conclu un traité de double imposition.
Cet impôt sera prélevé sur la différence positive entre la valeur marchande (déterminée par la Belgique) et la valeur fiscale des actifs transférés (futur art. 185/1 CIR). Le paiement de cet impôt pourra intervenir de façon échelonnée (futur art. 413/1, §1, premier alinéa, 1°/1 CIR 92).

Pour des questions ou des commentaires plus détaillés, vous pouvez vous adresser à Marc De Munter ou à tout autre membre de notre Team de Consultance.